Pourquoi voter aux élections législatives est (encore) plus important que de voter à la présidentielle ?

Pourquoi voter aux élections législatives est (encore) plus important que de voter à la présidentielle ?

Entre deux débats sur le burkini se cache une élection historique. 

D’abord, le délai entre les élections présidentielles et législatives légèrement rallongé permet une campagne un peu moins express. Ensuite, c’est aussi la première fois depuis 20 ans qu’une cohabitation entre l’Assemblée nationale et le gouvernement apparaît possible pour l’union de la gauche. Surtout, dans un contexte de crise démocratique, le renouvellement des profils et des pratiques parlementaires est crucial. De nombreux députés de la majorité sortante ont décidé de ne pas se présenter à nouveau, on parle beaucoup de la représentativité de l’Assemblée et de la place de la société civile, et le commentaire médiatique des législatives est rythmé par des annonces de soupçons de violences sexuelles et sexistes de candidats ou ministres. Alors pourquoi voter aux élections législatives est encore plus important que de voter aux élections présidentielles ? A Voté vous guide dans les enjeux des élections des 12 et 19 juin. 

 

D’abord, à quoi servent les députés ? 

A l’Assemblée nationale, les 577 députés, élus tous les 5 ans au suffrage universel direct, représentent l’intérêt général et exercent 3 pouvoirs : élaborer la loi (pouvoir législatif), contrôler l’action du gouvernement, et évaluer l’efficacité des politiques publiques. Ces pouvoirs s’exercent avec quelques subtilités : 

  • Si les députés sont élus par des électeurs d’une circonscription précise, correspondant à un bassin d’environ 100 000 habitants, elles et ils doivent représenter l’ensemble des citoyennes et des citoyens : ils ne sont pas élus locaux, mais bel et bien représentants de la “nation”
  • Si le principal pouvoir d’une ou d’un député(e) est d’écrire la loi, par l’intermédiaire de propositions de loi, elle ou il partage ce pouvoir avec le gouvernement, qui peut, et l’est bien souvent à l’initiative de projets de loi : d’ailleurs, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, le pouvoir législatif est beaucoup plus limité pour les députés

Une fois le deuxième tour des législatives clôturé, que se passe-t-il pour les 577 députés ? Leur écharpe tricolore récupérée lors de leur rentrée à l’Assemblée, les députés sont invités à se positionner pour : 

  • S’apparenter à un groupe politique d’un parti ou de coalitions de partis, sachant que ce groupe parlementaire peut voir le jour à partir de 15 députés. Chacun dispose, en fonction de sa taille, d’un temps de parole et d’un droit d’initiative législative proportionnel. Il est tout à fait possible de se déclarer comme non apparenté ;
  • Intégrer des commissions parlementaires : à ce jour, on compte 8 commissions permanentes. Une commission, c’est comme un groupe de travail thématique reflétant également les équilibres politiques des députés qui composent l’assemblée. C’est dans une commission que les députés vont être amenés à déposer des amendements sur les projets de loi soumis par le gouvernement avant de les débattre au sein de l’hémicycle en séance plénière, ou bien sûr de discuter de propositions de loi déposées par leurs collègues. Il existe aussi des commissions d’enquêtes parlementaires comme celle de l’affaire Benalla. 

 

Qui fait vraiment la loi ?

Une fois discutés et amendés au sein d’une ou plusieurs commissions thématiques, les projets ou propositions de loi sont portés en séance plénière. Pendant une ou plusieurs semaines, des allers-retours entre les députés et le gouvernement ont lieu, cette fois, dans le grand hémicycle du Palais Bourbon. De nouveaux amendements sont déposés par les députés ou le gouvernement : le plus souvent une ou un ministre est présent pour porter l’avis du gouvernement, et côté Assemblée, un rapporteur est désigné pour coordonner le débat. Deux types de vote ont lieu : amendement par amendement sur chacun des articles, puis, une fois que l’ensemble du texte de loi a été revu, un vote sur l’ensemble du texte. Parfois, il est même nécessaire de convoquer un vote solennel, lors duquel les responsables de groupes politiques prennent tour à tour la parole pour exprimer leur intention de vote.

Le débat parlementaire est donc une série d’allers-retours entre le gouvernement - l’exécutif - et le parlement - le législatif. Mais comme nous le disions, si les députés ont un pouvoir d’initiative pour déposer des propositions de loi ou des amendements, l’équilibre est tout de même en faveur du gouvernement. Autour de 70% des textes adoptés sont issus de l’initiative gouvernementale (des projets de loi, donc). Cela peut paraître contre-intuitif, dans la mesure où c’est le Parlement qui est élu, et non les membres du gouvernement ou l’administration. D’ailleurs, une parlementaire élue de 2017-2022 a témoigné sur les faibles moyens donnés aux députés pour exercer leur pouvoir (écoutez la avec l’une de vos co-autrices dans Le Temps du Débat sur France Culture “Législatives : peut-on faire entrer la société à l'Assemblée nationale ?”). De quoi nourrir des envies de réforme constitutionnelle !

 

Une cohabitation en 2022, c’est possible ?

Dans le cas où une majorité de députés est de la même couleur politique que celle du Président élu, on dit que la majorité parlementaire suit la majorité présidentielle, et les réformes que souhaitent mettre en œuvre les membres du gouvernement en place sont plus simples à “faire passer” à l’Assemblée. Dans le cas contraire, on parle d’une cohabitation : si la majorité parlementaire est d’une formation politique opposée à celle du Président, ce dernier doit nommer un Premier ministre et des membres du gouvernement davantage représentatifs de la majorité parlementaire, et de fait à l’Assemblée nationale, le débat est d’une autre nature. C’est en partie le sens de l’expression que l’on entend beaucoup à propos de Jean-Luc Mélenchon, qui souhaite “être élu Premier ministre” lors de ces élections législatives, car il se place en représentant de l’opposition à la majorité présidentielle. In fine, le choix de son premier Ministre revient entièrement au Président de la République. 

Quelle chance pour que les alliances inédites entre partis politiques  - et en particulier l’historique NUPES (Nouvelle Alliance Populaire Écologiste et Sociale) et “Ensemble” (rassemblant la République en Marche, désormais appelée Renaissance, le Modem et le parti Horizons créé par Edouard Philippe) - renversent la table ? Pour vous y retrouver, le laboratoire d’opinion Cluster 17 - fondé par Jean-Yves Dormagen, spécialiste de l’abstention et membre du conseil scientifique d’A Voté - vous guide dans les grandes tendances et vous aide à trouver votre “cluster”. 

 

Finalement, pourquoi aller voter les 12 et 19 juin ? 

  1. D’abord, parce que l’enjeu de renouvellement de la démographie de l’Assemblée nationale est crucial pour se sentir vraiment représenté : avec un moyenne d’âge de 51 ans, seulement 39,5% de femmes et une écrasante majorité de cadres, les députés ne sont pas à l’image de la société (c’est le site de l’Assemblée qui le dit ici). Grâce aux mouvements citoyens de nos amis de Tous élus, de Investies, du Collège citoyen de France, de l’Ecole de l’Engagement ou de l’Académie des Futurs Leaders, vous pourrez voter cette année en faveur de candidatures citoyennes qui mènent campagne différemment. A titre d’exemple, Stéphane Ravacley, membre de l’Académie des Futurs Leaders, boulanger de profession, a été salué lors du dernier festival de Cannes : les frères Dardenne lui ont dédié leur dernier film, lui qui a fait une grève de la faim pour protester contre l’expulsion de son apprenti de Guinée.  Cliquez ici pour en savoir + sur cette nouvelle génération qui veut changer les codes de l’Assemblée nationale ou encore ici sur le lien entre les mouvements citoyens de formation à la politique et la vie des partis traditionnels.  
  2. L’opportunité de pousser des députés qui redonneront du sens aux débats démocratiques qui se jouent à l’Assemblée : plusieurs députés ont cherché à innover au service de la transparence et de la participation, par exemple avec l’outil Lex Impact qui permet d’estimer l’impact des réformes ou le “bureau ouvert” aux geeks et aux citoyens de Paula Forteza. Pourtant, l’outil de pétition de l’Assemblée ne décolle pas et la plupart des députés rechignent encore à adapter leurs pratiques aux enjeux démocratiques. 
  3. Dans sa tribune pour réhabiliter l’assemblée nationale, Quitterie de Villepin appelle les futurs députées et députés à se mobiliser pour un rééquilibrage des pouvoirs. Avant et après l’élection, c’est vous qui avez le pouvoir de renouer le dialogue avec vos élus : Vous pouvez facilement entrer en contact avec le ou la député(e) de votre circonscription, notamment pour lui faire remonter des situations que vous vivez, mais surtout pour visiter l’Assemblée et assister à la fameuse séance de questions au gouvernement qui a lieu les mardi et mercredi après-midi ! Rendez-vous dès le 20 juin sur : https://www.assemblee-nationale.fr/ (cliquer sur “vos députés”, et les adresses mails sont publiques). 

Et bien sûr, le vote est libre et secret, cet article est écrit à des fins pédagogiques et de sensibilisation.